En l’Honneur de Madiba

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En l’Honneur de Madiba

Nelson Mandela était un terroriste, un détenu, un communiste, un saboteur présumé, un ennemi de la nation !

Il fut aussi l’un des plus grands héros du siècle passé. Ce qu’il a fait en Afrique du Sud, même le Mahatma Gandhi n’y est pas parvenu, et il l’a fait en respectant toute l’humanité.

C’est un homme qui a évolué au-dessus des mesquineries du conflit racial, un homme qui a perçu avec beaucoup de clairvoyance que l’Afrique du Sud n’était ni Noire, ni Blanche, ni Métisse. Il a vu l’Afrique du Sud comme une grande nation, offrant une chance à tout son peuple, quelles que soient sa couleur, sa tribu, sa religion et sa culture.

En 1969 j’étais en Afrique du Sud, marin sur un cargo norvégien. Nous déchargions du soufre et de la potasse en provenance du Canada, un pays que les lois anti-apartheid n’empêchaient pas de vendre ses marchandises, y compris un composant permettant de fabriquer de la poudre à canon.

J’ai vu l’apartheid de mes propres yeux. Je me rappelle être revenu au bateau à minuit, juste au moment où une équipe d’ouvriers de nuit était en train de rentrer. Une centaine d’Africains avançaient sur le trottoir vers moi, homme blanc, marchant seul.

Et qu’ont-ils fait ?

Ils ont tous traversé la rue, et ils ont évité mon regard. J’ai senti une vraie peur. Ce n’était pas de moi personnellement qu’ils avaient peur, mais d’un Etat qui les menaçait de conséquences terribles si un homme blanc se sentait agressé, voire seulement insulté. Ils savaient tous que ma parole avait plus de pouvoir que leur parole à eux tous.

Ce que j’ai vu cette nuit là, c’est le visage de la tyrannie.

Pendant que j’étais en Afrique du Sud, j’ai entendu parler de Nelson Mandela pour la première fois. Il était prisonnier sur Robben Island, et curieusement je l’ai appris parce que "Robben Island" veut dire "Île des Phoques" en afrikaans et que cela avait éveillé mon intérêt. J’ai tout d’abord découvert que, dans cette colonie de phoques, il y avait aussi une prison pour détenus politiques, puis j’ai découvert que l’un des prisonniers s’appelait Nelson Mandela.

Cela m’a intrigué. Tellement que j’ai écrit un article sur lui, un article qui n’a pas pu être publié dans la presse grand public nord-américaine parce que, selon les éditeurs, ils n’étaient pas intéressés par des articles sur les terroristes.

J’ai pu faire paraître l’article dans le Georgia Straight, un hebdomadaire alternatif de Vancouver, en Colombie Britannique, pour lequel je travaillais au début des années 70 en compagnie de voix alternatives exprimant la raison et la compassion, comme Bob Geldof.

Pendant les années qui ont suivi, j’ai entendu très peu de choses au sujet de Nelson Mandela. Stephen Biko a été assassiné et des milliers de Sud-Africains ont été persécutés pendant que la plus grande partie du monde continuait à commercer avec l’Afrique du Sud, considérée comme une grande puissance occidentale anti-communiste. Ils ont même mis au point et testé leur propre arme nucléaire.

S’il n’y avait pas eu le puissant lobby Noir au Congrès américain, les USA auraient probablement apporté un soutien encore plus important à l’Afrique du Sud, y compris des armes.

Mais enfin, après des années de lutte et d’épreuves, l’apartheid a été renversé, et Nelson Mandela est devenu le premier Président Noir d’Afrique du Sud. Il a reçu le prix Nobel de la Paix. Les USA l’ont décoré de la Médaille Présidentielle de la Liberté, et l’Union Soviétique lui a décerné le prix Lénine. Mais, officiellement, il restait sur la liste des personnes interdites d’entrée sur le sol américain.

En 1969 et pendant toutes les années 70, la seule idée que Nelson Mandela puisse être un jour Président d’Afrique du Sud paraissait irréalisable. Personne, pas même Mandela lui-même, n’aurait pu imaginer que c’était possible. C’était tout simplement du domaine de l’impossible.

Et pourtant c’est arrivé. L’impossible est devenu possible, et en endossant ces fonctions, en obtenant le prix Nobel, Mandela nous a fait un cadeau à nous tous, le don de l’espérance, la prise de conscience que, aussi redoutable que soit la situation, aussi formidables que soient les obstacles, la passion, le courage et l’imagination peuvent vaincre.

Madiba a maintenant 94 ans, et nous allons sans doute le perdre bientôt. Mais ce que nous ne perdrons jamais, c’est l’héritage de ce grand homme, les idées qu’il a transformées en réalité, les rêves qu’il a réalisés. La force de ses convictions, et la bonté de son cœur.

Nous mourrons tous un jour, mais peu d’entre nous ont vécu comme Nelson Mandela a vécu, peu d’entre nous ont réalisé autant que ce qu’il a réalisé.

Même son matricule de prisonnier 46664 (ce qui signifie le 466ème prisonnier à être incarcéré en 1964) est devenu le nom d’une organisation charitable humanitaire. Mandela a réussi à transformer tout ce qui s’est opposé à lui au cours de sa vie, pour en faire un monde meilleur.

Les cent années passées nous ont donné bien peu de grands leaders spirituels et pacifistes d’exception. Les trois plus influents ont été le Mahatma Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela, et un seul d’entre eux a été chef d’Etat, bien que je pense que Martin Luther King serait devenu le plus grand Président des Etats-Unis s’il n’avait pas été assassiné par un lâche. Gandhi, lui aussi, a été assassiné.

Je suis heureux que la vie de Mandela ait été longue et remarquable.

Non seulement il a servi son pays avec un honneur exceptionnel, mais il a servi toute l’humanité avec gloire et dignité.
 

 

Capitaine Paul Watson
 

 

 

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