Le Chant de l'Âme

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Dans les tréfonds de mon âme il est
Une chanson muette – une chanson qui vit
Dans la graine de mon cœur.
Elle refuse de se fondre à l’encre sur
Le parchemin ; elle ensevelit ma tendresse
Sous un voile transparent et flotte, 
Mais pas sur mes lèvres.

Comment puis-je la murmurer ?
Je crains qu’elle ne puisse
Se mêler à l’éther terrestre ;
À qui la chanterai-je ? Elle réside
Dans la demeure de mon âme, dans la crainte des 
Oreilles bourrues.

Quand je regarde en moi
Je vois l’ombre de son ombre ;
Quand je touche le bout de mes doigts
Je sens ses vibrations.
Les gestes de mes mains veillent à sa
Présence comme un lac doit refléter
Les étoiles scintillantes, mes larmes
La révèlent, comme des gouttes chatoyantes de rosée
Révèlent le secret d’une rose qui se flétrit.

C’est une chanson composée par la contemplation,
Révélée par le silence,
Fuie par la clameur,
Repliée par la vérité,
Répétée par les rêves,
Comprise par l’amour,
Cachée par le réveil
Et chantée par l’âme.

C’est la chanson de l’amour;
Quel Caïn ou que Esaü pourrait la chanter ?

Elle est plus parfumée que le jasmin ;
Quelle voix pourrait l’asservir ?

C’est un lien du cœur, comme un secret de vierge ;
Quelle corde pourrait la faire frémir ?

Qui ose unir le mugissement de la mer
Au chant du rossignol ?
Qui ose comparer la tempête hurlante
Au soupir d’un enfant ?
Qui ose dire tout haut les mots
Que le cœur doit prononcer ?
Quel humain ose chanter
La chanson de Dieu ?

Khalil Gibran, Larme et sourire, 1914

 

 

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Khalil Gibran  

 


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