Le Chemin d'Atsuro

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Le Chemin d'Atsuro 

 

 

Il était une fois, un jour, un fameux guerrier que tout le monde appelait Atsuro.

 

Atsuro avait été de toutes les batailles et de tous les combats, mais aujourd'hui, après toutes ces années passées à se battre, fatigué de risquer partout sa vie, il n'avait plus l'engouement à ces jeux de guerre.

 

Ce fut là, en cet instant, que pour la première fois de son existence, il entendit son âme lui parler.

 

Ainsi, dans le creux de son oreille, elle lui dit :

 

- "Je t'en supplie, cherche moi, trouve moi !"

 

Surpris de cette voix angélique qui sortait de nulle part, Atsuro, le fameux guerrier, s'étonna :

 

- "Comment cela, te chercher, te trouver ? Je ne t'ai pas égarée, que je sache ! Et puis d'ailleurs, puisque tu me parles, dis moi donc ou te trouver !"

 

Sur ces mots, son âme lui répondit :

 

- "Je suis là, où est l’enfer où, je suis peut-être aussi, là où est le paradis."

 

Alors Atsuro, le fameux guerrier, décrocha son sabre et s’en alla sur les routes à la recherche de ces lieux, à la recherche de l'enfer et du paradis, pour y trouver son âme.

 

Comme il cheminait, il parvint à une ville, où se tenait un marché.

 

Un moment il erra parmi les charretées de fruits et de légumes, puis acheta pour quelques sous un bol de riz bouilli et, il décida de s’asseoir contre un arbre pour déjeuner.

 

C'est là qu'il vit passer un homme installé sur un âne.

 

Après quelques secondes à le regarder, subitement, il reconnut son visage.

 

Cet homme, il l'avait déjà rencontré, il y a longtemps, un jour dans la montagne, tandis qu'il s'était égaré sur les sentiers et que le jour tirait sa révérence.

 

Cet homme n'était autre que Gakuun, le vieil ermite, qu'il pensait mort depuis bien des années !

 

Et pourtant, ce dernier était là, devant lui, passant sur son âne.

 

Plongé dans ses souvenirs, Atsuro, le fameux guerrier, se souvenait maintenant, comment il avait été trouvé, hébergé et, remit sur le bon chemin.

 

Dans ces pensées ressurgies, ce n'était pas tant la nostalgie qui étreignait son coeur, mais la surprise de voir que le vieil ermite n'avait pas changé.

 

Bien plus que cela encore, chères toutes et chers tous, il n'avait pas vieilli, pas blanchi d'un seul cheveu, pas pris une seule ride.

 

Fort de ces étrangetés, Atsuro laissa sa pitance et de loin le suivit jusqu’à sa maison, à la lisière  de la forêt qui grimpait vers les brumes.

 

Ainsi, de longues heures, il demeura longtemps à l’abri du sous-bois, sans oser s’approcher de la porte.

 

C'est là, qu'au crépuscule, enfin décidé, il s’en vint sur le seuil de la maison et frappa à la porte.

 

Il attendit un peu, puis Gakuun, le vieil ermite apparut, une lampe à la main.

 

Levant la lampe vers le visage d'Atsuro, il lui demanda :

 

- "Que me veux tu ?"

 

Le fameux guerrier, lui répondit :

 

- "Me reconnaissez vous vieil ermite ? Je suis Atsuro ! Il y a bien des années de cela, vous m'aviez aidé, hébergé et remit sur le bon chemin."

 

Gakuun prit sa cane et, tout en se dirigeant vers l'âtre de sa maison, lui répliqua :

 

- "Entre donc ! Viens te réchauffer et prendre une tasse de thé."

 

En versant le thé dans le bol, il ajouta :

 

- "Alors, que viens tu donc faire ici, que viens tu chercher ?"

 

Tout en s'asseyant, Atsuro répliqua :

 

- "Et bien, voyez vous, je suis à la recherche du chemin du paradis, mais aussi de celui de l’enfer, car mon âme m’a dit qu’elle était en ces lieux. Peut être pourriez vous, une fois de plus, m'aider à trouver ces chemins ?"

 

Gakuun, le vieil ermite resta silencieux à contempler son visiteur, lorsque soudain, sa figure se fit si sarcastique et méprisante qu'Atsuro, le fameux guerrier, se dressa, le coeur bouleversé et les tempes battantes.

 

Alors, ajoutant la parole à son regard, Gakuun, d'un ton odieux et méchant, lui dit :

 

- "Qui es-tu donc pour me prier ainsi de t'aider ? Saches que pour moi, tu n'es rien d'autre qu'une brute sans cervelle, un guerrier sur le déclin dont la force n'est plus la même, en fait un simple vermisseau qui voulait se donner autant d'importance qu'un lion !"

 

Et tandis que la colère montait en Atsuro, il poursuivit avec plus encore de hargne :

 

- "Bien sur que je te reconnais ! Je me souviens parfaitement de ce jour, il y a bien longtemps, où par indulgence coupable je t’ai accueilli sous mon toit, et je n’ai pas oublié, ni ta profonde niaiserie, ni ton regard stupide."

 

Son sang montant dans ses tempes, Atsuro posa la main sur son sabre, tandis que le vieil ermite, narquois, ajoutait :

 

- "Comment pourrais-je donc t'oublier, toi qui est certainement un des êtres les plus sots de ce monde ? Et tu cherches le chemin du ciel et de l'enfer, laisse moi donc rire ! Je te l'ai dit, un vermisseau, tu n'es rien qu'un simple vermisseau !"

 

A ces derniers mots, le vieil ermite se retourna pour reprendre un peu de thé.

 

C'est là que l’œil d'Atsuro se fit terrible et que sa bouche trembla.

 

C'est que voyez vous, jamais aucun être vivant n’avait osé l’insulter de la sorte.

 

Subitement, la fureur prit forme et dans un hurlement, il retira son sabre et le leva.

 

Comme il allait l’abattre sur le vieil ermite, ce dernier se retourna, porta la tasse de thé à ses lèvres et dit paisible et souriant :

 

- "Ici s’ouvre le chemin de l’enfer."

 

Sidéré et mille et une fois surpris, Atsuro laissa tomber son sabre et lui sourit aussi.

 

Comprenant alors la leçon qu'il venait de recevoir de la part de Gakuun, un peu embarrassé, il s’inclina devant le vieil ermite.

 

Et c'est là, qu'il l'entendit lui dire :

 

- "Ici, s’ouvre le chemin du paradis."

 


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