Être Seul, c’Est Être Soi, Rien d’Autre


"Être seul, c’est être soi, rien d’autre. Comment serait-on autre chose ? Personne ne peut vivre à notre place ni mourir à notre place, ni souffrir à notre place, et c’est ce qu’on appelle la solitude : ce n’est qu’un autre nom pour l’effort d’exister.

Personne ne viendra porter votre fardeau, personne. Si l’on peut parfois s’entraider (et bien sûr qu’on le peut !), cela suppose l’effort solitaire de chacun, et ne saurait – sauf illusions – en tenir lieu.

La solitude n’est donc pas refus de l’autre, au contraire : accepter l’autre, c’est l’accepter comme autre (et non comme un appendice, un instrument ou un objet de soi !), et c’est en quoi l’amour, dans sa vérité, est solitude.

Rilke a trouvé les mots qu’il fallait, pour dire cet amour dont nous avons besoin et dont nous ne sommes que si rarement capables : "Deux solitudes se protégeant, se complétant, se limitant, et s’inclinant l’une devant l’autre." Cette beauté sonne vrai.

L’amour n’est pas le contraire de la solitude : c’est la solitude partagée, habitée, illuminée – et assombrie parfois – par la solitude de l’autre.

L’amour est solitude, toujours, non que toute solitude soit aimante, tant s’en faut, mais parce que tout amour est solitaire. Personne ne peut aimer à notre place, ni en nous, ni comme nous. Ce désert, autour de soi ou de l’objet aimé, c’est l’amour même."

André Comte-Sponville